LA TOILETTE DU MINEUR





C’est bien…Ne descends pas, ton père se lave. Alors , Maheu et la Maheude restèrent seuls. Lui, tout nu, accroupi devant le baquet, y avait d’abord plongé sa tête, frottée de ce savon noir dont l’usage séculaire décolore et jaunit les cheveux de la race. Ensuite, il entra dans l’eau, s’enduisit la poitrine, le ventre, les bras, les cuisses, se les racla énergiquement des deux poings. Debout sa femme le regardait.
Mais, comme à l’ordinaire, elle venait de retrousser ses manches, pour lui laver le dos et les parties qu’il lui était mal commode d’atteindre. Elle prit du savon, elle lui laboura les épaules, tandis qu'il se raidissait, afin de tenir le coup. Du dos, elle était descendue aux fesses; et, lancée, elle poussait ailleurs, dans les plis, ne laissant pas une place du corps sans y passer, le faisant reluire comme ses trois casseroles, les samedis de grand nettoyage. Seulement, elle suait à ce terrible va-et-vient des bras, toute secouée elle-même, si essoufflée, que ses paroles s’étranglaient.
Maintenant, elle l’essuyait, le tamponnait avec un torchon, aux endroits où ça ne voulait pas sécher. « Laisse donc, bête ! tu es trempé tu me mouilles … » Il l'empoigna de nouveau, et cette fois ne la lâcha plus. Toujours le bain finissait ainsi, elle le ragaillardissait à le frotter si fort, puis à lui passer partout des linges qui lui chatouillaient les poils des bras et de la poitrine. D'ailleurs, c'était également chez les camarades du coron l'heure des bêtises, où l'on plantait plus d'enfants qu'on n'en voulait. La nuit, on avait sur le dos la famille. Il la poussait vers la table, goguenardant en brave homme qui jouit du seul bon moment de la journée, appelant ça prendre son déssert, et un dessert qui ne coûtait rien. Elle, avec sa taille et sa gorge roulantes, se débattait un peu, pour rire.
Lorsqu’il se fut relevé, Maheu passa simplement une culotte séche. Son plaisir, quand il était propre et qu’il avait rigolé avec sa femme, était de rester un moment torse nu. Sur sa peau blanche, d’une blancheur anémique, les éraflures, les entailles du charbon, laissaient des tatouages, des « greffes », comme disent les mineurs ; et il s’en montrait fier, il étalait ses gros bras, sa poitrine large, d’un luisant de marbre veiné de bleu.



Emile Zola